Des Hommes qui refusent la défaite
A Marseille, comme dans le reste de la France, il y eu des Français qui, refusant la défaite et la collaboration, ont voulu continuer la guerre avec d'autres moyens que les moyens traditionnels : c’étaient les RÉSISTANTS.
Selon l'historien Pierre LABORIE, « c'était la France exemplaire qui a sauvé l'âme de la Nation. »
La Résistance a été pluraliste, toutes tendances politiques et religieuses. La Résistance a été multiforme et elle a agi par actions individuelles ou organisées, civiles ou militaires, mais elle a été aussi spontanée dans sa réaction du rejet de l’occupant et de Vichy.
Photo prise dans le Musée 3M de notre ami Claude TIANO
Mais quelle a été les motivations des résistants ?
Les motivations des résistants étaient diverses :
- Refus de la défaite et de l'occupation allemande
- Refus du régime de Vichy et de la collaboration
- Refus de la répression et des mesures antisémites,
- Volonté de combattre pour libérer la France.
- Un sentiment de patriotisme qui resurgit après l'armistice signé dans des conditions aussi déshonorantes ;
- L'exaspération par rapport à la défaite française, à l'occupation et à la collaboration ;
- Le sentiment de se trouver dans un état qui n'est plus démocratique, dans lequel les libertés les plus élémentaires sont supprimées (bourrage de crâne, censure et répressions de toutes sortes, brouillage radiophonique, couvre-feu, interdictions de circuler et de se réunir, arrestations et confiscations arbitraires) ;
- La disparition des libertés fondamentales, l'antisémitisme et la persécution des Juifs dont est responsable l'Allemagne nazie. Plus concrètement, la révolte contre les mesures qui frappent leurs camarades juifs (étoile jaune par exemple).
- Mais la plus importante de ces motivations est le patriotisme, qui a encore plus d'impact sur les jeunes. Ces jeunes qui n'auront pas encore combattu, contrairement à leurs parents, ont envie de montrer ce dont ils sont capables.
En résumé, les motivations étaient :
- Le patriotisme : le refus de la défaite infligée par les Allemands vaincus en 1914/1918.
- L'hostilité au nazisme : refus de l'antisémitisme, du racisme.
- La tradition républicaine : hostilité au régime instauré par Pétain, l'État Français assorti des pleins pouvoirs donnés au chef de l’État.
- La suppression des libertés démocratiques : droit de vote, grève, couvre-feu, arrestations arbitraires.
Mais quelle était aussi la sociologie des résistants ?
Beaucoup étaient des femmes, des hommes, des jeunes, des adolescents, parfois même des enfants : donc des personnes de tous âges, de toutes nationalités, de toutes religions et de tous les milieux sociaux. En effet, la plupart étaient des ouvriers, des artisans, des enseignants, des intellectuels, des médecins mais peu de responsables d'entreprises.
Il est à noter que les hommes de 40 ans et plus, que l'on trouve dans la Résistance, ont tous vécu la guerre du 14/18 et, généralement, ont occupé des postes de responsabilité dans la Résistance.
Les Historiens s'accordent pour dire que les Résistants n'étaient pas nombreux. De Gaulle répondant à Peyrefitte a assuré qu'1 français sur 100 était Résistant. Les historiens disent qu'il n'y avait que 10% des Français.
Et puis il y a eu les R.M.S., les Résistants du Mois de Septembre 1944, ceux qui n'ont pas fait de Résistance et qui se sont prévalus des actions des autres.
Mais où les jeunes résistants naissent ?
A l'université, dans les lycées, dans les usines, les villes et les villages, des groupes de jeunes résistants naissent.
Des actions
Il arrive que le début de l'hymne « Maréchal, nous voilà » se transforme en « Maréchal, ôte-toi de là ».
Il n'était pas facile de rejoindre un réseau, à cause du secret qui les entourait dans la crainte d'éventuels traîtres ; c'est pourquoi les premières actions furent plus symboliques qu'efficaces. Les résistants déchiraient les affiches nazies, dessinaient la Croix de Lorraine sur les murs, inséraient des tracts contre Pétain dans les livres de la bibliothèque... Symboliques, mais dangereux : appeler son cochon « Hitler », cracher devant un policier allemand ou prédire la victoire du Général De Gaulle méritaient d'être enfermé.
Puis les actions prennent plus d'importance. De nombreux « groupes francs » réalisent des "coups de main" (auxquels des jeunes participaient largement) :
-à des fins de propagande patriotique : sabotage de manifestations collaborationnistes, destruction de kiosques de presse nazie, distributions spectaculaires de journaux de la Résistance ou pour contrecarrer des opérations policières (vol de fichiers du S.T.O.).
Par la suite, et notamment à partir du 24 décembre 1941, date à partir de laquelle, l'ordre de mission de Jean MOULIN, étaient d'unifier les Hommes qui refusaient la défaite, ces derniers se sont organisés en créant un système de sizaine, afin d'éviter que les Allemands, réussissent à arrêter les « résistants » les plus hauts placés. Par exemple, souvent, le petit groupe de « résistants » ne savait qu'une partie de la mission à laquelle ils participaient, et ne pouvait donc pas dire grand-chose lorsqu'on les arrêtait. De plus, les « résistants » avaient des surnoms et des faux-papiers, afin de brouiller un peu plus les pistes aux Allemands. Ce système de sizaine a donc été efficace, puisqu'il a montré ses preuves.
En décembre 1943, le « Nouvelliste » journal lyonnais pétainiste fut subtilisé dans les kiosques et remplacé par une édition clandestine :
-pour libérer des résistants incarcérés ou hospitalisés
-pour la logistique de la résistance : récupération d'armes et de munitions, vols de dossiers et de documents, prélèvements de fonds, de papiers d'identité et de tickets
-dans les usines, dont la production part directement pour l'Allemagne, les jeunes ouvriers réussissent à ralentir leur travail, commettre des actes de sabotage
-endommager des machines, des outils, couper des câbles
La lutte des jeunes se retrouve donc dans tous les domaines :
-dans les filières d'évasion
-dans les réseaux de renseignements
-dans les « groupes francs », qui « passent à l'acte »
-dans les maquis, certains lancent de véritables opérations de guérilla contre l'armée nazie...
-dans les combats menés par les FFI pour la libération de nombreux départements, de celle de Paris, puis au sein des armées, qu'après avoir libéré les Vosges et l'Alsace, continueront à se battre en Allemagne....
Il y a eu aussi des jeunes filles dans toutes les formes de résistance, réseaux, mouvements et groupes francs-tireurs, résistance extérieure dans les unités de la France libre. Les jeunes filles sont nombreuses, et font partie des jeunes qui s'impliquent, elles aussi, dans la résistance et dans les mêmes conditions que les garçons. En acte de résistance symbolique, elles pouvaient porter, avec des risques de se faire arrêter, un pendentif avec la Croix de Lorraine, (symbole de la Résistance et de la France Libre), ou encore des vêtements bleu, blanc, rouge également, mais aussi des gants bleu, blanc, rouge ou encore des chaussures de couleur bleu et rouge avec des socquettes blanches comme ci-dessous :
( Source : https://www.amazon.fr/Croix-de-Lorraine-Bijoux/s?k=Croix+de+Lorraine&rh=n%3A193710031 )
Photo prise dans la Musée 3M de notre ami Claude TIANO
En effet, ceci était bien un acte de résistance symbolique puisque le drapeau ainsi que l’hymne constituent des marques de vivre ensemble et expriment nos valeurs de « Liberté, d’Égalité et de Fraternité ».
(Source : https://www.dmcdirect.fr/accessoire-mairie/1895-drapeau-francais.html )
Le drapeau tricolore de la France est né de la réunion, sous la Révolution française des couleurs du roi (blanc) et de la ville de Paris (bleu) ainsi que de la couleur du sang versé pour libérer le peuple (rouge).
Tandis que sur le drapeau tricolore du Régime de Vichy, le Maréchal Pétain y a ajouté l’Ordre de la Francisque gallique, qui est une décoration qui est attribuée par le régime de Vichy, en tant que marque spéciale d’estime du Maréchal Pétain.
En ANNEXE n°7, vous avez la possibilité de visionner la vidéo du drapeau sous le régime de Vichy, dirigé par Pétain.
Le Maréchal Pétain va aussi se symboliser par ses 7 étoiles (contre cinq pour le grade le plus élevé, général d’armée) ainsi que par le bâton de velours bleu parsemé d’étoiles sur lequel est écrit : « Terror belli, decus pacis » qui signifie : « Terreur durant la guerre, ornement en temps de paix »
Le drapeau devait être ainsi, pendant le régime de Vichy, « le symbole du sacrifice et du courage et rappeler une France malheureuse renaissant de ses cendres ».
C’est ainsi que la francisque va devenir sur les documents officiels ainsi que sur le drapeau tricolore français, le symbole de l’Etat français en tant que personne morale.
Enfin, tout cela a été fait à des fins de propagande.
Apprendre la clandestinité
Source : Extrait du journal Libération
Vivre dans un maquis
Source : Extrait du journal Libération
Quels risques ?
Les nazis n'éprouvent aucune pitié pour la jeunesse des « terroristes », pas plus que les organismes de répression français (milice ...) qui pourchassent, torturent, condamnent et fusillent résistants et opposants au nom du gouvernement, quel que soit leur âge.
Mais comment est alors née la Résistance à Marseille pour qu'elle en occupe une place si importante ?
Tout d'abord, il y eu des conditions favorables à la naissance de la résistance marseillaise. En effet, aux motivations propres à tous les Résistants Français, se sont ajoutées des conditions inhérentes à la situation de la Ville et de sa Région.
Premièrement, par la présence de l'Armée d'Armistice ou Armée de Vichy, à Marseille, puisqu'elle est placée dès la signature de l'Armistice, le 22 juin 1940, sous l'autorité du gouvernement de Vichy. Cette Armée est franchement hostile aux Nazis, mais fidèle à Pétain jusqu’à l'entrevue de MONTOIRE. Cette armée de transition comprenait 100 000 hommes. Les Allemands avaient exigé que ces unités ne soient pas motorisées et ne disposent pas d'armement lourd. Nombreux sont ceux qui ont cru que Pétain était le bouclier et De Gaulle le bras. Certains dans cette armée, tout en respectant Pétain, travaillaient avec les alliés ; elle était très performante au niveau des évasions et des renseignements. C'est ainsi que le Capitaine PAILLOLE, qui appartenait au 2ème Bureau et qui avait conservé, dans l'Armée d'Armistice, sa fonction d'officier de renseignements, l'exerçait sous un camouflage : les Travaux Ruraux, qui était une société indépendante, était installée Villa EOLE, située à la plage du Prado. Ces travaux étaient fictifs, servant de couverture, dotés d'une petite documentation, qui faisait illusion pour renseigner l'ennemi.
Deuxièmement, il y avait une forte population ouvrière, très sensible aux suppressions des acquis sociaux donnés par le Front Populaire, par le gouvernement de Vichy. En effet, les syndicats avaient été supprimés par ce dernier. La CGT et la CFTC, seuls syndicats existants, étaient entrés en clandestinité, mais ils conservaient des antennes qui représentaient ces syndicats. Lucien MOLINO (CGT) eut un rôle important dans la Résistance ouvrière.
Enfin, il y eut l’arrivée massive d'étrangers fuyant le nazisme, dans notre ville, tels que des Espagnols, des Italiens, des Arméniens, des Polonais, des Juifs, des Allemands, des Roumains, mais aussi des Français de Lorraine, d'Alsace, et des Juifs de nationalité française. Tous ces étrangers voyaient, en notre ville, une issue vers la liberté, voulant s'exiler vers Alger, Londres, l'Amérique, à la recherche de faux papiers, de passeport, de visas et de moyens de transport. Les filières d'évasion ont donc constitué, le premier mouvement de Résistance Marseillaise.
Témoignage de Lorette COLAS, une adolescente marseillaise âgée de 14 ans, concernant le Général SIKORSKI
« Ma sœur Chloé était très appréciée à la direction du Service de santé. Les officiers mobilisés, médecins coloniaux à la retraite, se déchargèrent sur elle de la réorganisation des locaux et de l’approvisionnement en matériel, et elle fut enchantée de cette responsabilité.
Elle trouva des volontaires pour dépunaiser les salles, jeter la literie, chauler les murs, repeindre les lits en fer, fit le tour des brocanteurs et chiffonniers pour trouver la quantité manquante de pots de chambre et de pistolets, fit confectionner des matelas neufs à bas prix et découper, dans des mètres de tulle soldé, des moustiquaires individuelles. Mais son grand œuvre, fut la rapide organisation du camp de Carpiagne en baraques Adrian, pour y accueillir le général Sikorski et ses militaires polonais transitant par Marseille. En effet, le 28 septembre 1939 commence la formation de l’Armée polonaise en exil.
L’annonce de cette arrivée, avait affolé ces messieurs de la direction, et dans l’angoisse de ne pouvoir faire face, avaient chargé ma sœur, réputée pour son efficacité, du logement et de l’accueil. Elle mit toute son énergie, avec des volontaires et le matériel disponible, pour que le camp soit prêt en temps voulu. Il faut croire que les Polonais l’apprécièrent en cette époque de détresse, car ils l’invitèrent, « avec sa famille ». Le général Sikorski nous accueillit en grand seigneur, baisa la main de ma mère, nous fit asseoir au premier rang de chaises, fit dans un français parfait, un discours de remerciement et vint à nos côtés pour le spectacle de chants et danses qui s’ensuivit.
A part le colonel Cenet et le général Duguet, je ne me souviens pas d’autres officiels. Il devait pourtant y avoir d’autres personnalités, lesquelles ? Un tel déplacement ne pouvait pas être clandestin. Nous sommes reparties dans la nuit froide. Le ciel était clair, la lune brillait. Ce devait être en février.
Ma sœur Chloé, peu de jours après, trouva le camp désert et parfaitement nettoyé. Elle reçut d’Angleterre, à notre adresse, un message amical et manuscrit du général Sikorski....que mon beau-frère brûla par prudence, à l’arrivée des allemands en 1942. Le général Sikorski avait signé un accord avec l’Angleterre, le 5 août 1940, pour reconstruire son armée au Royaume-Uni.
Un autre agrément, que m’apporta la situation de Chloé à Michel-Lévy, fut la découverte d’un farfelu auto-proclamé « fou chantant » qui était venu, sur une scène improvisée, distraire les militaires hospitalisés. Ils étaient arrivés comme une armée en déroute, béquillards, avec des plâtres et des pansements, jaunes, les yeux caves, aigris, déjà critiques.
Lorsque Charles Trenet commença à chanter, l’hostilité fut évidente chez ces hommes vaincus, blessés, humiliés, pour ce type joyeux, en pleine forme, qui exorbitait ses yeux bleus et envoyait son canotier en l’air. Puis tout changea. Bousculés, recevant de plein fouet des paquets d’eau de mer, des décharges de rayons de soleil et de lune en prime, avec les oiseaux, le bleu du ciel et la fille du facteur par-dessus le marché .... « y a d’la joie »... les types se redressèrent, les yeux pétillèrent, les bouches sourirent. Le poète, tel Saint Michel terrassant le dragon, avait écrasé la sinistrose et avait réveillé, avec la joie de vivre, l’espoir. »